On peut se demander pourquoi Catch me if you can, après Minority report et autres Liste de Schindler...
On peut aussi ne rien se demander du tout et juste savourer cette comédie smart and brilliant... En remarquant cependant, une maestria dans la mise en scène qui ne sent pas son débutant derrière la caméra.
L'époque tout d'abord : les années soixante annoncées dès le générique (fait par un binôme français, cocorico) qui rappelle furieusement Tati et donne le ton du film, rapide, coloré, enlevé : une animation qu'on regarde vraiment.
Ensuite, tout est sixties : les couleurs, les formes, les uniformes, l'insouciance, la musique. Et ça marche !
D'une part parce que l'escroquerie d'immense envergure commise par Franck Abagnale Jr ne pourrait sans doute plus arriver à l'ère du tout-Bill Gates mais aussi parce l'atmosphère porte parfaitement le film.
Comme Spileberg n'est pas américain pour rien, le film commence dans une cellule de la prison de Marseille à coté de laquelle celle de Jean Valjean était le Ritz, et l'agent du FBI, venu sauver de cet enfer sa malheureuse proie, y cite consciencieusement la Cour européenne de Justice (on est en 1970) !
Retour vers la mère-patrie, où l'histoire (enjolivée) du vrai Frank Abagnale Jr nous est racontée. Franck c'est un adolescent que ses parents, lui soldat libérateur et elle française séduite, ont élevé dans le mythe et le glamour.
Losque le mariage de ses parents s'écroule, il ne peut se résoudre à choisir le conflit et la grisaille et décide de devenir un super-héros.
Il commence (à 16 ans) par devenir co-pilote de la Pan-Am, escroquant celle-ci d'une somme phénoménale en faux-chèques, puis, quand l'aviation sent trop le roussi, il passe à Urgences, se créant un pedegree harvardien exceptionnel en chirurgie.
Il finit enfin par avocat. A chaque fois il a appris son métier mi par la télévision, mi en observant un professionel du dit métier et en posant quelques bonnes questions (un consultant parfait en quelque sorte !).
Son charme agit sur les jeunes filles, son air de gendre idéal sur les adultes. Et la belle vie se poursuivrait sans encombre s'il n'y avait pas ce Carl Hanratty, agent du FBI, pas drôle, entêté qui l'a loupé une fois et consacrera sa vie à le choper.
Hanratty c'est l'anti Frank Abagnale (le père). Il est terre-à-terre quand l'autre vit dans l'irréalité, il est gris quand, avec le père, tout prend couleur, il est responsable quand Abagnale Sr ne l'est pas... S'il est manifestement bluffé par les exploits du gamin, sa conscience professionnelle veut qu'il lui mette la main dessus et sa conscience tout court veut qu'il l'arrête avant qu'il ne finisse criblé de balles.
Le happy-ending en est un puisqu'après avoir passé quelques années à bosser pour le FBI, Frank pompera des sommes coquettes aux banques américaines pour les assister en matière d'anti-fraude.
Tout fonctionne dans cette comédie : Di Caprio y est parfaitement à l'aise ; qu'il ait 16 ou 26 ans il est le héros jusqu'au bout des ongles. Christopher Walken est impeccable aussi en géniteur moins doué mais qui a nénamoins ce quelque chose de l'escroc dans les gênes.
Nathalie Baye est crédible en mère française classieuse lassée des frasques de son mari. Tout comme Tom Hanks en agent opiniatre convaincu que le crime ne paie pas.
Les deux heures vingt passent sans encombre. Spileberg n'est dupe ni des roaring sixties ni du scénario.
Lui comme nous savons que tout ça est un joli moment qui ne durera pas. Alors il faut en profiter. Puisque l'illusion -donc le cinéma- ça rend la vie plus légère.