En attendant le bonheur est un TRES beau film. Son rythme est particulièrement réussi qui sous-tend tout le tissage entre la contemplation d'images magnifiques de poésie, de lumière, de couleurs, d'humanité et la connaissance des personnages qui avance par petites touches très efficaces.
Il ne se passe rien ou presque : Abdallah -le double de Sissako- attend chez sa mère d'avoir un passeport pour partir de l'autre coté de la Méditerranée. On ne sait pas exactement où il ira mais on sait que ce jeune homme instruit ne peut que commencer une nouvelle vie. Il est déjà en fait exilé car il ne parle pas la langue locale. Sa mère déplore qu'il n'ait pas d'amis, qu'il ne se mêle pas aux autres. Mais Abdallah se nourrit de cette vie pour mieux préparer la suivante. D'autres personnages posent pour lui la question, de l'exil, du retour ou non, de la survie ou non. Mais lui attend déterminé.
Dans la petite ville où il habite, un vieil électricien aidé de son jeune apprenti apporte l'électricité dans les habitations. Le gamin malicieux sait tout le prix de l'affection du vieil homme. Il sait aussi qu'un jour il lui faudra être seul car ces deux là parlent beaucoup de la mort.
Les moments graves alternent avec les moments burlesques, notamment un Chinois lancé dans un karaoké qui, instantanément montre "l'incongruité" de l'exil (que fait ce chinois en Mauritanie ?) et l'universalité des pratiques (qu'il soit de Belleville ou de Nouadhibou le karaoké reste une valeur sure).
Les portraits sont tous empreints d'une grande tendresse et d'une rare poésie. Les images sont superbes, certaines restent épinglées dans la mémoire comme Matta avançant infiniment sur le sable en déroulant son câble électrique surmonté d'une ampoule allumée.
Heremanoko n'est pas un film africain : c'est un film.