Plaisirs inconnus (Unknown Pleasures) emprunte son titre à Joy Division. Premier pont entre la jeunesse chinoise et la jeunesse occidentale. Les autres ponts sont à la fois nombreux et rares : les cigarettes américaines fumées par ceux qui ont "tout compris" au capitalisme, , une brève parodie de Pulp Fiction...
Le film se passe à Dapong (la ville moyenne ou a grandi le réalisateur).
L'économie de marché y arrive a grands pas, dans ce qu'elle a de plus caricatural : la mafia (seul débouché professionnel ? ),
le désoeuvrement des jeunes dont on ne sait pas bien d'où ils tirent leur argent
, les constructions champignons (ici une emblématique autoroute), les salaires des parents qui n'arrivent plus depuis des mois...
A l'inverse ces jeunes adultes vivent dans une société encore traditionnelle, menant une vie qui ressemble plus, -pour des occidentaux- à celle de jeunes adolescents :
se planquer des parents... pour regarder la télé avec sa copine, se défouler à moto...
Les événements sociaux ou politiques sont systématiquement distanciés, montrés par le biais de la télévision, omniprésente :
l'inauguration de la fameuse autoroute, le procès d'une jeune braqueur idole de la jeunesse, le clip/hymne du moment, la victoire de Pekin aux J.O....
Dans la vie des jeunes en revanche il ne se passe rien ou presque. Xiao Ji est amoureux d'une chanteuse détachée de tout mais "appartenant" à un mafieux local.
Le risque ainsi encouru est à la fois indifférent au jeune couple, à la fois le piment de leur vie.
Ce détachement vis à vis de tout est une des constantes du fil que Bin Bin exprime à la fin par un "no future", plus réel chez lui du fait d'une "hépatite" découverte lors d'une visite médicale. Est-ce juste une pose romantique ou une réalité sociale ?
Le film penche plutôt vers la seconde hypothèse. Les couleurs, les arrières-plans sont glauques, aucune trace de beauté, un horizon bouché.
La censure culturelle est habilement évoquée par une scène clin d'oeil où Bin Bin, vendant des DVD pirates à son usurier, se voit reprocher de ne pas distribuer la vraie culture undergroung, comme Platform le précédent film de Jia Zangh-ke (jamais distribué en Chine).
Plaisir inconnus est un film intéressant, attachant. Comme tant d'autres films, il aurait gagné à ne pas s'octroyer la demi-heure de trop, celle qui ralentit le rythme, ajoute des scènes inutiles ou trop longues.
Le début est laborieux.
Mais ces petits travers n'obèrent pas l'intérêt du film, son esthétique, et son "j'sais pas quoi faire, qu'est ce que j'peux faire" sauce aigre-douce.